DES MORTS À LA PRISON DE MAKALA EN RD CONGO

 

Même s’ils ne font pas la une des journaux, les morts en République Démocratique du Congo (RDC) sont régulièrement mentionnés dans des articles d’actualité (1). Massacres, viols, conflits armés et climat de terreur restent en effet le quotidien de nombreux Congolais, notamment dans l’Est du pays. Pourtant, les malheurs de ce peuple ne s’arrêtent pas là et en ce moment même se déroule un tout autre drame dans la capitale Kinshasa.

Le Centre Pénitencier de Rééducation de Kinshasa (CPRK) est la prison la plus grande et la plus peuplée en RDC. Prévu initialement pour 1500 détenus, le CPRK en contient presque 9000. A cause de cette surpopulation, on peut y retrouver 150 détenus dans une pièce de 40 m2, sans lit et ayant à peine un endroit où s’asseoir, à défaut de s’allonger. Cette situation a même rendu certains détenus pratiquement paralytiques. À ceci s’ajoute un accès aux soins problématique, des conditions d’hygiène désastreuses et propices à la propagation de toutes sortes de maladies ainsi que la malnutrition.

Depuis le début de l’année 2020, une pénurie d’aliments et de médicaments se fait observer à la prison de Makala. Ceci a entraîné la famine, la prolifération de plusieurs maladies ainsi que des décès. Dans un communiqué publié mercredi 15 janvier (2), la Fondation Bill Clinton pour la paix déclarait avoir enregistré vingt-cinq morts à la prison centrale de Makala du 1er au 13 janvier par manque de nourriture et de soins de santé. Selon certaines sources se trouvant sur place (3), le bilan serait bien plus lourd. Certains parlent d’une centaine de morts entre décembre et janvier.

D’après un article du Figaro paru le 7 janvier 2020 (4), cette pénurie serait due au fait que, depuis mi-septembre, l’État congolais n’ait pas payé les fournisseurs de médicaments et de nourriture de la prison. Le ministre de la Justice congolais, aurait déclaré, d’après le même journal, qu’il y a eu du retard dans le paiement des fournisseurs, ce qui justifie ces ruptures de stocks à la prison. Il aurait également assuré que la situation était régularisée. Pourtant, d’après les dernières informations que nous avons reçues de prisonniers, les choses empirent de jour en jour.

On a plutôt l’impression que cette situation est passée sous silence par les autorités congolaises et la majorité des médias locaux, plongeant dans l’ignorance une bonne partie de la population locale.

Comme dans beaucoup d’autres sphères, le traitement des personnes y est inégalitaire. Ainsi, certains détenus disposant de moyens financiers s’en sortent, d’autres encore bénéficient du soutien de leur famille. Mais ceux-ci ne représentent qu’une infime partie face à la population carcérale ; la majorité des prisonniers dépend de l’approvisionnement de la prison.

Enfin, il est important de préciser que certains des détenus n’ont pas eu droit à un procès et n’ont pas été condamnés par un juge. À cause de cela, la prison est peuplée par des personnes innocentes et d’autres ayant déjà purgé leur peine. Cette injustice supplémentaire a pour conséquence de condamner de nombreux détenus à une « quasi peine de mort », du fait de la situation actuelle. L’ironie du sort est que l’application de cette peine a été suspendue en RDC depuis 2003.

L’association “Qui est mon prochain” a décidé d’agir concrètement en faisant parvenir récemment quelques colis alimentaires au CPRK. Les besoins restant considérables, nous lançons une campagne de soutien d’urgence pour venir en aide à ces détenus.

 

Ensemble, soutenons les prisonniers car notre prochain est aussi celui qui meurt à Makala !

 

Sources :

1. https://www.france24.com/fr/20200130-rd-congo-nouveau-massacre-de-civils-près-de-beni

2. https://www.radiookapi.net/2020/01/16/actualite/societe/kinshasa-25-morts-enregistres-la-prison-centrale-de-makala-en-deux

3. Nous ne pouvons pas révéler l’identité des informateurs pour des raisons de sécurité.

4. https://www.lefigaro.fr/international/a-kinshasa-onze-morts-dans-l-enfer-de-la-prison-de-makala-20200107