NOTRE DRAME

 

La cathédrale Notre-Dame s’écroule, et tout le monde s’effondre avec elle. Toutes les chaînes d’info sont en éditions spéciales : les témoins, les journalistes et les artistes s’émeuvent. On entend des complaintes et des lamentations. On pleure sur de la pierre comme on pleurerait sur la tombe d’un ami. Mais à quand une édition spéciale sur les massacres au Yémen ? A quand une édition spéciale sur les massacres en République Démocratique du Congo ? A quand un JT dédié à la souffrance des sans-abris en France ? A quand une telle mobilisation pour tous ceux qui meurent dans l’indifférence générale ? Il y aurait eu un mort dans la cathédrale en feu, les larmes auraient été légitimes. Mais si l’on pleure sur de la matière sans âme, quelle est donc la valeur et le caractère précieux des larmes ? Si sur la pierre il faut verser des larmes, alors pleurons sur la tombe de ces êtres, morts tandis qu’on leur tournait le dos.

En France, en 2018, 566 sans-abris sont morts. Décédés car ils n’ont point trouvé d’endroit où se loger. Morts faute de toit sous lequel s’abriter. 566 « anonymes », inconnus du grand public. Morts dans des coins ombragés, sachant que personne ne les pleurerait. La cathédrale a brulé, et en 48h, 1 milliard d’euros ont été donnés. Beaucoup parlent d’un élan de générosité, mais qu’est-ce qu’une bâtisse, aussi historique soit elle, face au souffle d’un seul être humain ? Qu’en est-il des opprimés et de ceux qui sont délaissés ? Eux brûlent en silence et se consument dans l’indifférence. Point de millions ni de milliards. Point de moyens ni de dollars… Rien, pas même un regard.

Mon prochain est celui qu’on opprime, qu’on délaisse et qu’on ignore.