đđđđ-đđđđ, đđđđ đđđđđđđđđđđ đđ đđđđđ : LE RĂGNE DE LA CUPIDITĂ SUR TOUT UN PAYS.
Au cours de lâhistoire, lâamour de lâargent a poussĂ© des individus Ă bafouer les droits humains pour augmenter leurs profits. Lâesclavage, le colonialisme et la politique de certaines entreprises en sont des exemples.
Sous le rĂšgne de LĂ©opold II, le peuple congolais a Ă©tĂ© victime dâun des plus grands crimes contre lâhumanitĂ©. Un massacre ayant coĂ»tĂ© la vie Ă environ 10 millions de personnes. Ce rĂ©cit rĂ©vĂšle le paroxysme de la cupiditĂ©, un flĂ©au dont tout homme doit se garder.Â
đđđđđ đâđđđđđ đđđ đđđđđđđđđ đđđđ đđ đđđđđđ đđđđÂ
« La Belgique nâexploite pas le monde. Nous devons lui en donner le goĂ»t » (1). Cette dĂ©claration de LĂ©opold II (1835-1909), roi des Belges, en dit long sur sa dĂ©termination Ă obtenir un territoire pour le dĂ©pouiller. Ayant fermement rĂ©solu dâobtenir une colonie comme les autres puissances europĂ©ennes, il sâengagea dans la conquĂȘte dâun territoire dâAfrique centrale dâune superficie de plus de deux millions de kmÂČ. Toujours dirigĂ© par les autochtones Ă lâĂ©poque, cette zone abritait plusieurs centaines dâethnies possĂ©dant des langues et coutumes diverses. Ces peuples, qui avaient subi de plein fouet la traite nĂ©griĂšre jusquâau dĂ©but du XIXĂšme siĂšcle, sâapprĂȘtaient Ă entrer dans une pĂ©riode encore plus sombre.Â
PrĂ©textant vouloir dĂ©fendre les droits des autochtones, le roi LĂ©opold II crĂ©a lâAssociation Internationale du Congo. Cette derniĂšre affichait des motifs bien nobles, Ă savoir civiliser les peuples de lâAfrique centrale, les libĂ©rer du joug esclavagiste arabe, crĂ©er des infrastructures favorisant le commerce dans la zone etc.
Du 15 novembre 1884 au 26 fĂ©vrier 1885, les principales puissances europĂ©ennes ainsi que les Etats-Unis se rĂ©unirent Ă Berlin pour une confĂ©rence, oĂč ils sâaccordĂšrent sur la dĂ©coupe de lâAfrique. Les nations reprĂ©sentĂ©es encouragĂšrent lâinitiative du roi de la Belgique et de son association. Dâune part, elles prĂ©fĂ©raient accorder la gestion de ce territoire Ă une nation neutre. Dâautre part, elles pensaient pouvoir y tirer quelques bĂ©nĂ©fices, comme le montrent ces extraits de la ConfĂ©rence de Berlin (2) :
âą Article 1 : « Le commerce de toutes les nations jouira dâune complĂšte libertĂ© ».
âą Article 5 : « Toute puissance qui exerce ou exercera des droits de souverainetĂ© dans les territoires susvisĂ©s ne pourra y concĂ©der ni monopole, ni privilĂšge dâaucune espĂšce en matiĂšre commerciale ».
âą Article 9 : « ConformĂ©ment aux principes du droit des gens, tels quâils sont reconnus par les Puissances signataires, la traite des esclaves Ă©tant interdite [âŠ] les Puissances [âŠ] dĂ©clarent que ces territoires ne pourront ni servir de marchĂ© ni de voie de transit pour la traite des esclaves de quelque race que ce soit ».
Quelques semaines aprĂšs la ConfĂ©rence, naquit officiellement lâEtat IndĂ©pendant du Congo (EIC), avec pour souverain absolu LĂ©opold II. Pour assurer le succĂšs de son projet colonial, il avait sollicitĂ© lâaide de lâexplorateur Henry Morton Stanley (1841-1904) qui dessina les contours du nouvel Ă©tat et obtint (par ruse) la cessation des terres des chefs de villages. Les frontiĂšres du territoire congolais se consolidĂšrent au travers dâaccords signĂ©s avec les puissances coloniales riveraines, et des batailles menĂ©es contre les opposants, notamment les Arabo-Swahilis dans la partie Est de lâEtat. Pendant 23 ans, LĂ©opold dirigea le pays Ă distance, Ă©tant donnĂ© quâil ne sây dĂ©plaça jamais. Dans les faits, il sâĂ©carta trĂšs rapidement des principes philanthropes autour desquels il avait construit sa bonne rĂ©putation.Â
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DĂšs son arrivĂ©e au Congo, lâadministration lĂ©opoldienne organisa la construction de chemins de fer, la mise en place dâune armĂ©e locale appelĂ©e « Force Publique » ainsi que lâexploitation des ressources en ivoire. Le travail forcĂ© devint systĂ©matique pour assurer la rentabilitĂ© de lâEtat dans lequel LĂ©opold II avait investi une partie de sa fortune personnelle.
Dans les annĂ©es 1890, un Ă©vĂ©nement inattendu allait assurer au monarque de lâEIC des profits considĂ©rables. Le succĂšs mondial du pneu en caoutchouc crĂ©a une demande Ă©normissime, Ă laquelle personne nâĂ©tait prĂȘt Ă rĂ©pondre. Or des arbres revĂȘtus de lianes de caoutchouc sauvage recouvrait une grande partie du territoire congolais. Les fonctionnaires belges envoyĂšrent les hommes dans la forĂȘt par milliers, les contraignant Ă rĂ©colter de grandes quantitĂ©s de cette matiĂšre premiĂšre.Â
Selon lâhistorien Adam Hochschild (1), LĂ©opold II utilisait lâargent du caoutchouc pour financer des projets architecturaux colossaux en Belgique. Il construisit plusieurs maisons sur la CĂŽte dâAzur et entretint le train de vie grossiĂšrement luxueux de sa maĂźtresse. Pour cela, il incitait les fonctionnaires belges â alors payĂ©s au rendement â Ă la pire des cruautĂ©s pour gagner toujours plus. Ces derniers usĂšrent dâune crĂ©ativitĂ© paraissant tout droit sortie de lâenfer, pour tirer le maximum de la population, quâils avaient depuis longtemps arrĂȘtĂ© de considĂ©rer comme des hommes. Ceci est confirmĂ© dans cette citation du journal amĂ©ricain Times, datant du 18 Novembre 1895 :
« La question du caoutchouc est au cĆur de la plupart des horreurs perpĂ©trĂ©es au Congo. Elle a plongĂ© la population dans un Ă©tat de total dĂ©sespoir. [âŠ] Le caoutchouc est rĂ©coltĂ© par la force ; les soldats conduisent les gens dans la jungle ; sâils ne veulent pas, ils sont battus, leurs mains sont coupĂ©es et portĂ©es comme trophĂ©e au commissaire. Les soldats se moquent bien de ceux quâils frappent et tuent, souvent des pauvres femmes sans dĂ©fense et des enfants inoffensifs ».
Parmi les autochtones, beaucoup choisissaient ainsi de se laisser mourir tant leur quotidien Ă©tait misĂ©rable. Chaque jour, ils devaient faire face aux meurtres, viols, fusillades, exactions de tout genre, prises dâotage et pillages de leurs biens. Des pratiques atrocement barbares Ă©taient gĂ©nĂ©ralisĂ©es Ă cette Ă©poque pour terroriser la population, comme la punition Ă la chicotte (coups de fouet Ă laniĂšres nouĂ©es pouvant engendrer saignements, blessures et dĂ©cĂšs de la victime) ou les mutilations des membres pratiquĂ©es sur les morts et les vivants.
En prenant en compte les assassinats, la famine, les maladies et la chute de la natalitĂ© causĂ©s par le rĂ©gime lĂ©opoldien, les historiens estiment que les pertes humaines sâĂ©lĂšveraient Ă 10 millions (soit prĂšs de la moitiĂ© de la population) entre 1890 et 1908.
QUAND LA SOIF DE JUSTICE POUSSE A LâACTION
Comme au temps de lâesclavage, des voix sâĂ©levĂšrent dans diffĂ©rentes parties du globe pour condamner ces crimes et rĂ©clamer la fin de ce systĂšme dĂ©pourvu dâhumanitĂ©. Parmi elles, on peut citer lâafro-amĂ©ricain George Washington Williams (1849-1891) qui fut le premier Ă dĂ©noncer lâesclavage dans lequel Ă©tait pleinement engagĂ©e lâadministration lĂ©opoldienne. Il Ă©crivit notamment une lettre ouverte Ă LĂ©opold II ainsi que des courriers au prĂ©sident des Etats-Unis en 1890. Le rĂ©vĂ©rend William Sheppard (1865-1927), premier missionnaire afro-amĂ©ricain envoyĂ© au Congo par lâEglise presbytĂ©rienne en 1890, choisit Ă©galement dâĂȘtre une voix pour les sans voix du Congo. En dĂ©nonçant les Ćuvres meurtriĂšres des belges au Congo, il devint un grand ennemi du souverain. Il ne pouvait pas rester indiffĂ©rent face aux atrocitĂ©s subies par ce peuple, auquel il sâĂ©tait liĂ© dâaffection.
Le personnage emblĂ©matique de la lutte pour la fin de lâEtat IndĂ©pendant du Congo est le franco-anglais Edmund Dene Morel (1873-1924). Il Ă©tait agent de liaison pour une compagnie maritime quand il dĂ©couvrit que le peuple congolais Ă©tait sous le joug de lâesclavage. Il dĂ©dia prĂšs de 10 ans de sa vie Ă une croisade contre le rĂ©gime de LĂ©opold II au Congo. Avec le diplomate britannique Roger Casement (1864-1916), il fonda la « Congo Reform Association », qui organisa des centaines de marches et confĂ©rences de sensibilisation aux Etats-Unis, en Grande Bretagne, en Australie etc. De plus, il Ă©crivit des milliers dâarticles sur la situation congolaise ; rassembla de nombreux rĂ©cits de tĂ©moins des atrocitĂ©s qui sây commettaient ; et trouva le soutien de citoyens et personnalitĂ©s dans le monde entier. A titre dâexemple, il rĂ©ussit Ă rallier Ă son mouvement Sir Arthur Conan Doyle, lâauteur de Sherlock Holmes, qui Ă©crivit lui-mĂȘme un livre sur le sujet intitulĂ© « Le Crime du Congo » (3). Par sa dĂ©termination, Morel rĂ©ussit Ă faire entrer le Congo dans lâagenda politique britannique et amĂ©ricain.
Finalement, la pression gĂ©nĂ©rĂ©e par ce mouvement dâampleur internationale a contraint la Belgique Ă nĂ©gocier avec LĂ©opold qui lui vendit le Congo. Câest ainsi quâen 1908 fut signĂ©e la Charte coloniale donnant naissance au Congo belge. On parlera ici dâune libĂ©ration Ă demi-teinte car, malgrĂ© une amĂ©lioration considĂ©rable des conditions de vie, certaines des atrocitĂ©s perdurĂšrent plusieurs annĂ©es et les terres tout comme leurs produits ne furent pas restituĂ©es aux autochtones.
CONCLUSION
Cette histoire, aussi terrible que vĂ©ridique, illustre la cruautĂ© se cachant derriĂšre la recherche effrĂ©nĂ©e de profits. Les enseignements que nous pouvons en tirer sont toujours dâactualitĂ©. Nous ne devons pas rester les tĂ©moins silencieux des dĂ©gĂąts causĂ©s par la cupiditĂ© des hommes. Contre les atrocitĂ©s qui ont lieu aujourdâhui encore au Congo et ailleurs, nous nous devons de parler.
(1) Les FantÎmes du roi Léopold : Un holocauste oublié, Adam Hochschild.
(2) Acte général de la conférence de Berlin de 1885.
(3) Le Crime du Congo belge, Arthur Conan Doyle.