UNE INDIGNATION SALVATRICE ET UN SILENCE ASSOURDISSANT

 

Comme chacun le sait, la respiration est essentielle à l’être humain pour vivre. Le souffle est le symbole de la vie. Mais le 25 mai 2020, aux Etats-Unis, c’est ce souffle vital qui a été retiré à Georges Floyd, un Afro-Américain de 46 ans et père de deux enfants. Lors d’une interpellation, Derek Chauvin, un policier du Minnesota, le plaque au sol et appuie son genou sur son cou pendant plus de 8 minutes. Des minutes pendant lesquelles Georges Floyd supplie le policier car il est en train de mourir. Il gémit, il sanglote et il répète à plusieurs reprises « I can’t breathe », ce qui signifie « Je ne peux pas respirer ». Mais rien n’y fait, le policier ne retire pas son genou. Après une longue agonie, le dernier souffle de Floyd s’en va sous le poids de l’injustice. Écrasé par le racisme systémique qui sévit aux Etats-Unis depuis des siècles. Cette mise à mort, filmée par des passants et partagée sur les réseaux sociaux a suscité une indignation mondiale. De nombreuses personnes aux quatre coins du globe ont manifesté et continuent de le faire pour la mémoire de Georges Floyd, et plus largement contre le racisme et les oppressions. Aujourd’hui, les peuples de toutes nations se lèvent contre l’injustice, avec pour symbole les derniers mots de Georges

Floyd : « Je ne peux pas respirer ».

Cette mobilisation mondiale est remarquable et agite les consciences du monde entier.

Néanmoins, il existe un pays dans lequel les pires massacres sont perpétrés depuis plus de 20 ans. Un pays immensément riche, mais dont la population est incommensurablement pauvre. Un pays sans lequel les plus grandes technologies n’auraient jamais pu voir le jour. Un pays dont la terre est gorgée de sang. Ce pays, c’est la République Démocratique du Congo (RDC).

Située au centre de l’Afrique avec une superficie équivalente à environ 5 fois la France et 80 fois la Belgique, la RDC (et plus particulièrement la région Est du pays) est le théâtre d’un massacre qui à l’heure actuelle a fait plus de 12 millions de morts. Ce nombre représente la population d’Île de France. Imaginez donc si tous les habitants de Paris, de l’Essonne, des Hauts-de-Seine, du Val-d’Oise, de la Seine-Saint-Denis, du Val-de-Marne, des Yvelines, et de la Seine-et-Marne étaient décimés en l’espace de 20 ans. Inconcevable ?! C’est pourtant ce qu’il se passe en République Démocratique du Congo. En effet, cette nation regorge de minerais précieux et indispensables à la fabrication des smartphones, des ordinateurs, des batteries au lithium ou encore des télévisions. Pour ne citer que quelques exemples, ses sols sont remplis de cobalt, de coltan, de manganèse, d’or et de diamants. Et malheureusement, l’exploitation de ces minerais se fait au profit de contrats douteux qui profitent, non pas à la population, mais à certains dignitaires congolais et à des entreprises étrangères. Ces dernières n’hésitent pas à financer des milices armées venant des pays limitrophes afin qu’ils chassent les villageois de leurs terres. Ces mercenaires, présents en RDC depuis le génocide rwandais, agissent en toute impunité et commettent des actes qui dépassent l’entendement : des femmes enceintes ont été retrouvées éventrées, leurs fœtus égorgés. D’autres ont été violées avec des bouts de verre et des branches déchirées. Des nourrissons subissent également le même sort au point d’avoir, pour ceux qui survivent, des séquelles irréversibles. Des pères, dont les familles sont menacées par les armes, se voient contraints par les miliciens de violer leur filles, avant de se faire abattre comme du bétail. Des fils sont eux contraints de violer leur mères, et tout cela devant la famille terrorisée qui de toutes manières, sera assassinée ou obligée de s’exiler. Certains enfants sont enrôlés comme soldats. D’autres extraient les matières premières dans des conditions inhumaines. C’est par toutes ces ignominies que les fils sont arrachés à leur pères, que les filles sont violées devant leur mères, que les veuves se retrouvent démunies, et que les orphelins mendient.

Voilà ce qu’il se passe en République Démocratique du Congo depuis plus de 20 ans. Mais pour autant, pas d’indignation collective. Peu de marches blanches ou de genoux à terre. Point d’éloges funèbres, ni de poings levés, alors que ce peuple n’arrive plus à respirer. Point de soulèvements alors que l’injuste convoitise et l’ignoble barbarie ont déjà éteint la respiration de plus 12 millions de Congolais. Morts étouffés dans l’assourdissante cacophonie du silence d’une communauté internationale indifférente.

Et pourtant, c’est « grâce » au sang versé par ce peuple que nous pouvons utiliser nos précieux bijoux de technologie. En ce sens, nous sommes tous concernés en tant que consommateurs de ces appareils. Même dans l’ordinateur utilisé pour écrire ces lignes, il y a la souffrance d’un peuple qui meurt devant le concert des nations qui savent et qui ferment les yeux au nom du sombre profit économique que génère ce massacre. La République Démocratique du Congo enrichit le monde entier ; et le monde, par son inaction, enrichit de sang une terre déjà remplie de larmes.

Alors, resterons-nous indifférents ?

L’homicide perpétré contre Georges Floyd fût le meurtre de trop dans une Amérique gangrenée par le racisme. Mais après plus 12 millions de morts en RDC, quelle mort sera celle de trop pour susciter l’indignation mondiale ? S’il faut se mobiliser pour son prochain et les droits de l’homme, alors se battre pour la RDC est une cause juste. Il ne s’agit pas de lutter avec les armes ou la violence physique, mais avec un soutien global pour une population qui n’a que trop souffert.